Acheter un immeuble en démembrement de propriété : quels avantages pour les investisseurs ?

I) Qui sont les investisseurs qui pourraient-être intéressés par ce mode d’acquisition de l’immeuble ?

Vous êtes déjà propriétaire de plusieurs immeubles à usage locatif et ne souhaitez pas élargir l’assiette taxable de votre impôt sur le revenu dans la cédule des revenus fonciers ?
Vous souhaitez faciliter l’accession à la propriété immobilière au profit d’un enfant d’ici 15 ou 20 ans et vous n’êtes pas disposés à supporter les risques locatifs (loyers impayés, vacance locative, impôt sur les revenus fonciers…) ainsi que le prix en pleine propriété d’un immeuble ;
Vous êtes un investisseur « longtermiste » à la recherche de plus-values et non d’une rentabilité immédiate ;
Vous désirez vendre votre immeuble tout en continuant à conserver l’usage et la jouissance durant un certain nombre d’années ou pour le restant de votre vie ?
Vous préférez constituer un capital immobilier à la retraite plutôt que de bénéficier d’un capital financier (assurance-vie, DAT…) ?

Pour tous les investisseurs se trouvant dans l’un de ces cas de figure, l’achat d’un immeuble en démembrement de propriété pourrait-être un des moyens de réaliser vos objectifs patrimoniaux.

II) Qu’est-ce que le démembrement de propriété ?

Le démembrement de propriété est une technique juridique permettant de répartir les droits du propriétaire d’un bien entre deux ou plusieurs personnes. C’est le cas notamment de l’usufruit qui met en relation un usufruitier, titulaire du droit d’usage et de jouissance (il est le seul à pouvoir utiliser et fructifier le bien pendant le démembrement), et un nu-propriétaire disposant uniquement du droit de disposition (abusus), lequel ne pourra recouvrer la pleine et entière propriété du bien qu’à la fin de l’usufruit.

III) Quel schéma d’acquisition ?

Le schéma d’acquisition peut mettre en relation une Société Civile Immobilière (SCI) ou un bailleur social (SICAP, HLM – à la condition que ces structures reviennent à leur vocation initiale-) en qualité de promoteur- usufruitier et des investisseurs (particuliers, entreprises) qui se portent acquéreurs de la nue-propriété de l’immeuble, pour une durée comprise entre 15 et 20 ans. Ce schéma peut également mettre en relation deux particuliers ayant des objectifs patrimoniaux opposés en matière d’investissements immobiliers qui acquièrent en démembrement de propriété les droits réels sur un immeuble de rapport : l’un détenant l’usufruit au moment où l’autre opte pour la nue-propriété.

IV) Quels sont les intérêts du montage ?

1) L’impact de l’indivision sur la gestion de l’entreprise

Dans le cadre d’un usufruit temporaire, l’article 468.2 al 3 du CGI prévoit que « l’usufruit constitué pour une durée fixe est au 2/10ème de la valeur de la pleine propriété pour chaque période de 10 ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier».

Exemple : un promoteur immobilier cède la nue-propriété d’un appartement d’une valeur de 50.000.000 FCFA et en conserve l’usufruit pour une durée de 20 ans. Calculons la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété.

Valeur usufruit : 50.000.000 FCFA X 40% = 20.000.000 FCFA
Valeur nue-propriété à céder : 50.000.000 FCFA – 20.000.000 FCFA = 30.000.000 FCFA

De même en cas d’usufruit viager, l’article 468.2 du CGI prévoit une répartition de la quotité de valeur du bien objet du démembrement entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en fonction de l’âge de ce dernier, comme l’illustre le tableau ci-après :

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Exemple : M. X, veuf sans enfant âgé de 67 ans, souhaite vendre la nue-propriété de sa villa estimée à 60 millions à M. Y banquier de profession âgé de 40 ans, dans le cadre d’un usufruit viager. Calculons la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété conformément au barème légal.

Valeur Usufruit : 60.000.000 X 20% = 12.000.000 FCFA

Valeur Nue-propriété : 60.000.000 X 80% = 48.000.000 FCFA

Comme nous pouvons le constater, ces textes assurent donc une répartition des quotités de valeur entre la nue-propriété et l’usufruit en cas de démembrement de la pleine propriété, ce qui n’est pas sans intérêts au plan financier pour les investisseurs :

La valeur d’acquisition de l’immeuble est réduite dans une fourchette généralement comprise entre 30 et 40 % de la valeur de la pleine propriété.
Pour l’usufruitier, s’il était plein propriétaire initialement, (SCI, particuliers ou bailleur social) en plus de recevoir la valeur d’acquisition de la nue-propriété, il percevra durant toute la durée de l’opération les revenus du bien, en l’occurrence les loyers qui pourront même être indexés pour rentabiliser davantage l’opération.
Pour le nu-propriétaire, l’emprunt bancaire qu’il sollicitera pour financer l’acquisition ne portera que sur une partie de la valeur en pleine propriété, ce qui lui permettra au cas où il disposerait de revenus additionnels réguliers – qui souvent alimentent un compte de DAT ou une assurance-vie au rendement faible – de pouvoir les céder à la banque en vue du remboursement du crédit.

2) Intérêts juridiques

L’usufruitier perçoit seul les revenus de l’immeuble durant toute la durée du démembrement ;
le nu-propriétaire ne supporte pas les frais liés à la gestion de l’immeuble, tels que les dépenses d’entretien et de réparation qui sont à la charge de l’usufruitier. Quant aux dépenses liées aux grosses réparations, la charge devrait, en principe, être supportée par le nu-propriétaire dès lors que l’immeuble se trouve dans son patrimoine. Cependant la répartition de ces charges n’étant pas d’ordre public, les parties pourront convenir par contrat de les faire supporter à l’usufruitier.
les vacances locatives et les loyers impayés ne pourront préjudicier qu’à l’usufruitier et non au nu-propriétaire.

3) Intérêts fiscaux

Du point de vue fiscal, l’opération présente plusieurs avantages :

Droits d’enregistrement : En conséquence de la répartition de la valeur entre la nue-propriété et l’usufruit, les droits d’enregistrement appliqués sur les transactions immobilières ne porteront donc que sur la valeur de la nue-propriété ou de l’usufruit qui fait l’objet de la cession et non sur la valeur de la pleine propriété, ce qui représente donc un avantage pour l’acquéreur.
Contribution Foncière sur les Propriétés Bâties (CFPB): Aux termes de l’article 292 al 2 CGI, « en cas d’usufruit, l’imposition relative à la contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) est dûe par l’usufruitier… . Il s’agit donc assurément d’un autre avantage pour le nu-propriétaire. Selon nous, l’imputation de cette charge fiscale à l’usufruitier n’est pas justifiée en droit dès lors que l’immeuble se trouve en réalité dans le patrimoine du nu-propriétaire qui devrait par conséquent en supporter la dépense. Mais nous comprenons les motivations du législateur fiscal qui a voulu privilégier le réalisme économique au détriment de l’orthodoxie juridique. En réalité c’est l’usufruitier qui perçoit les revenus du bien et non le nu-propriétaire qui en est privé durant le démembrement (autonomie du Droit fiscal oblige !!!).
Impôt sur les revenus fonciers : A ce niveau également l’avantage est du côté du nu-propriétaire qui dès lors qu’il ne perçoit aucun revenu durant le démembrement, ne saurait donc payer cet impôt. La charge incombe par conséquent à l’usufruitier.
Plus-values immobilières : la reconstitution de la pleine propriété sur la tête du nu-propriétaire au terme de l’usufruit devrait se faire en franchise d’impôt étant donné qu’aucun acte de transfert de propriété n’est accompli à cette époque, celui-ci s’opérant de plein droit. La conséquence d’une telle solution serait particulièrement avantageuse pour le nu-propriétaire qui ne règle aucune taxe sur la plus-value alors que la valeur de l’immeuble se serait sensiblement appréciée en 15 ou 20 ans.
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Par Ibrahima DIALLO
Ingénieur Patrimonial
Directeur – associé CGP AFRIQUE

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