Les risques juridiques de la transmission impréparée d’une entreprise au Sénégal

« Pour que l’économie progresse, il ne faut pas seulement que la création d’entreprise augmente, encore faut-il que l’on transmette un nombre suffisant d’entreprises »[1].

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Ces propos pleins d’enseignements, illustrent sans nul doute que la transmission d’une entreprise est une étape aussi importante que sa création et son développement. Elle est tout simplement partie intégrante du cycle de vie normale de l’entreprise. Cependant force est de constater que si les chefs d’entreprise africains en général et sénégalais en particulier ne projettent pas souvent leur entreprise au-delà de leur propre personne, les pouvoirs publics n’ont pas également su adapter les règles du code civil ou du code de la famille consacrées à la dévolution successorale afin de prendre en compte les préoccupations spécifiques de l’entreprise. En effet, la plupart de ces règles, enserrées dans l’ordre public successoral, se préoccupent plus du partage des biens laissés par le défunt que de la gestion pérenne et continue de l’entreprise. En vérité ces règles ont été conçues pour assurer beaucoup plus la transmission d’un patrimoine immobilier et rural que professionnel.

Dans la grande majorité des cas, l’impréparation de la transmission a pour effet de compromettre les chances de survie de l’entreprise après la disparition de son dirigeant-fondateur. Il convient donc de l’anticiper afin que le passage de relais entre les différentes générations se fasse sans heurts. Il s’y ajoute que la question de la transmission doit recevoir autant de mesures incitatives que celles qui sont prévues en matière  de création et de développement de l’entreprise.

Il s’agit à travers cette contribution d’attirer l’attention des chefs d’entreprise sur les risques juridiques d’une transmission impréparée de l’entreprise individuelle ou sociétaire tant pour la famille, les salariés sans oublier ses partenaires économiques, mais également d’indiquer quelles que solutions qu’offre le droit au cas où les ayants droits devraient faire face à une transmission subie et non préparée par l’entrepreneur de son vivant. Nous finirons enfin par préconiser quels que changements à opérer au le plan législatif pour faciliter la transmission d’entreprise.

I) Les risques juridiques de la transmission impréparée d’une entreprise individuelle

A) Risques liés à la survie et à la gestion de l’entreprise

En vertu du principe de l’unicité du patrimoine, aucune distinction n’est faite entre le patrimoine privé d’un commerçant et son «patrimoine professionnel ». Le décès du commerçant qui n’aurait pas été prévenant en préparant la transmission de son patrimoine professionnel aura pour effet de placer ses ayants droits dans une indivision post-successorale qui impactera sans aucun doute sur la gestion efficace, voire sur la survie de l’entreprise dans bien des cas. Pour mémoire l’indivision est la situation juridique de deux ou plusieurs personnes qui exercent des droits de même nature sur un même bien.

1) L’impact de l’indivision sur la gestion de l’entreprise

Les actes de disposition (vente, donation, hypothèque…) concernant des biens indivis, quelle que soit leur nature, requièrent la décision unanime de tous les co-indivisaires. Seuls les actes d’administration bénéficient d’un régime dérogatoire puisqu’ils peuvent être pris à la majorité des indivisaires représentés par un gérant. C’est ce que prévoit le code de la famille au Sénégal qui dispose en son article 453 al 1 que « le gérant peut faire tous les actes d’administration relatifs aux biens indivis ». Cependant le même article prévoit aux alinéas 2, 3 et 4 « qu’il ne peut toutefois sans y avoir été autorisé par la majorité des indivisaires dans les conditions prévues à l’article 452, alinéa 2, donner à bail les immeubles ou les fonds de commerce lorsqu’ils n’étaient pas affectés à la location lors de la naissance de l’indivision. Il ne peut, sans la même autorisation, contracter des emprunts ni constituer sur les biens indivis des hypothèques ou autres sûretés ni vendre un bien déterminé. Il ne peut aliéner les biens indivis qu’avec le consentement unanime des indivisaires lorsque cette aliénation aurait pour effet de mettre fin à l’indivision »[2]. Il est évident que si les dispositions ci-dessous ont le mérite de protéger les indivisaires relativement aux actes d’une certaine gravité, elles s’accommodent mal de la gestion d’une entreprise pour laquelle l’accomplissement de ces actes de façon diligente peut s’avérer nécessaire pour la survie de l’entreprise. Or dans le contexte de certaines familles africaines, marquées par les mariages polygamiques gérés sur fond de rivalités entre héritiers issus de lits différents, il apparait sinon impossible, du moins très difficile d’obtenir une décision majoritaire à fortiori unanime alors qu’un simple retard accusé dans la prise d’une décision de gestion peut s’avérer désastreux pour la survie de l’entreprise. Aux éventuelles difficultés liées à la prise de décisions dans les conditions prévues par les dispositions précitées, se greffent des risques de résiliation de certains contrats en cours au décès de l’entrepreneur.

2) L’impact de l’indivision sur les contrats en cours de l’entreprise

En principe les conventions signées par le défunt sont transmises, sauf stipulations contraires, à ses héritiers conformément aux dispositions de l’article 407 al 1 du code de la famille du Sénégal. Pour certains contrats empreints d’intuitu personae (passés en considération de la personne ou de ses aptitudes), l’automaticité de la transmission aux ayants droits pourrait ne pas avoir lieu en cas de décès du chef d’entreprise.

Quid des conventions d’ouverture de crédit ?

C’est le cas notamment des conventions d’ouverture de crédit entre le défunt et un établissement de crédit. C’est ainsi qu’en France, la Cour de Cassation dans son arrêt du 15 mars 2011 a décidé que « la convention de crédit, qui est conclue en considération de la personne de l’emprunteur, ne pouvait être transmise sans l’accord de la banque créancière » (n°10-11.650, arrêt Banque CIC Est). Ce serait également le cas de certains contrats de distribution, tels que le contrat de franchisede concessionde distributeur agréé

Qu’en est-il des baux commerciaux ?

S’agissant des baux commerciaux dans les pays membres de l’OHADA, le principe posé par l’article 111 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général (AUDCG) est celui de la continuation du bail en cours par les conjoints, les ascendants ou les descendants en ligne directe, qui en ont fait la demande au bailleur par signification d’huissier de justice dans un délai de 3 mois à compter du décès. Toutefois, cette disposition n’étant pas d’ordre public, rien ne s’oppose à ce que lors de la conclusion du bail, que le bailleur érige le décès du locataire comme une cause de résiliation de plein droit dans les conditions prévues par l’alinéa 4 de l’article 133 de l’AUDCG. Le bail pourrait également être résilié de plein droit si les héritiers par négligence n’avaient pas demandé son maintien dans les 3 mois du décès du preneur (al. 4 article 111 AUDCG).

Gestion des comptes bancaires de l’entreprise

Un autre obstacle peut aussi survenir dans la gestion des comptes bancaires de l’entreprise, notamment lorsque l’entrepreneur décédé était le seul signataire du compte. Dans ce cas, le déblocage ne peut intervenir qu’après l’obtention d’un jugement d’hérédité ou d’un acte de notoriété dressé par le notaire indiquant les successibles et accompagné d’une procuration visée par le greffier général de la juridiction compétente et désignant un représentant des indivisaires. Cependant un délai relativement considérable (1 à 3 mois) peut s’écouler entre la saisine du juge ou du notaire et le bouclage de la procédure. Durant cette période il ne sera donc pas possible de procéder à des opérations de retraits, de dépôts ou de virements sur ces comptes sauf pour les opérations qui étaient en cours au moment du décès alors que les charges d’exploitation doivent être réglées avec célérité.

Quel sort pour les contrats de travail en cours ?

Pour ce qui concerne les contrats de travail, l’article L.66 du code du travail au Sénégal est très clair : « s’il arrive une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession……..tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ». Encore faudrait-il que les héritiers ne renoncent pas à la succession, auquel cas ils ne seront plus tenus de supporter le passif social. Ils peuvent également décider de fermer l’entreprise à condition de payer les indemnités de licenciement.

B) Les solutions qu’offre le droit pour parer à l’imprévoyance du chef d’entreprise

Les solutions qu’offre le droit en vue d’assurer la continuation de l’entreprise sont nombreuses, mais certaines sont d’une fragilité qui n’est que la conséquence de l’imprévoyance de l’entrepreneur. Parmi ces solutions :

L’indivision légale s’impose de plein droit à défaut de solutions contraires. Les coindivisaires peuvent s’organiser en désignant parmi eux un gérant pour assurer la gestion de l’entreprise dans les conditions fixées par la loi. Cependant cette solution peut s’avérer inefficace, notamment dans le cas de successions houleuses ou il est extrêmement difficile d’obtenir la majorité à fortiori l’unanimité pour la validité de certaines décisions. De plus le droit de partage dont dispose chaque indivisaire constitue sans doute une arme de destruction puissante de l’entreprise qui pourrait être utilisée à tout moment, à moins que compte tenu des intérêts en cause, le juge n’en décide autrement, c’est ce que prévoit au Sénégal l’article 462 du code de la famille.
L’indivision conventionnelle fait également partie de l’arsenal juridique susceptible d’aider à la gestion de l’entreprise dans des conditions un peu plus stable. Elle peut-être à durée déterminée ou indéterminée comme le prévoit au Sénégal les dispositions du code de la famille. Dans la 1ère hypothèse, le partage ne peut intervenir qu’au terme de la convention, qui au Sénégal ne peut excéder 5 ans sauf stipulations contraires. Dans la 2ème hypothèse, le partage peut être demandé à tout moment par l’un des indivisaires pourvu qu’il ne soit pas de mauvaise foi et que le partage ne mette pas en péril la survie de l’entreprise.
L’apport de l’entreprise à une société est une autre solution beaucoup plus pérenne que l’indivision. Il permet de moduler les risques en fonction du choix de la forme sociale, d’assurer plus efficacement la sortie d’un héritier sans mettre fin à la vie de l’entreprise, de rendre moins contraignante les prises de décisions concernant la marche de la société dès lors que celles-ci seront régies par le droit des sociétés et non plus par le droit de la famille.
Enfin l’attribution préférentielle de l’entreprise à l’un des successibles peut- être envisagée comme une solution radicale et définitive. Au Sénégal, par exemple, elle trouve son fondement légal aux termes de l’article 476 al 1 du code de la famille qui prévoit que « le conjoint survivant ou l’un des héritiers peut demander l’attribution, par voie de partage, de l’entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou agricole » à condition d’avoir participé effectivement à l’exploitation au jour du décès. Cependant la question de la participation effective d’un successible à l’exploitation se présente souvent comme un point litigieux en témoignent les nombreuses décisions de justice rendues en ce sens. Aussi, il a été jugé que « la participation à la mise en valeur peut se situer à un moment quelconque antérieur ou postérieur à l’ouverture de l’indivision ; que peu importe qu’elle ait été manuelle ou intellectuelle »[3]. La participation du successible à l’exploitation peut donc faire l’objet d’une interprétation extensive pour permettre à l’héritier ou au conjoint survivant qui en fait la demande de rapporter la preuve d’une participation à la gestion sous quelle que forme que ce soit et sans tenir compte de l’antériorité ou de la postériorité de l’acte par rapport à l’ouverture de l’indivision. La jurisprudence s’est également prononcée dans l’hypothèse fréquente de la situation de plusieurs héritiers qui demandent l’attribution préférentielle de l’entreprise. Dans ce cas d’espèce, il a également été jugé, pour départager les demandeurs, qu’on doit se fonder sur des éléments factuels tels que la « compétence technique, l’aptitude à la gestion d’une entreprise, la complémentarité avec l’industrie personnelle du candidat et sa disponibilité »[4] Toutefois, l’attribution préférentielle de l’entreprise à l’un des héritiers ou au conjoint survivant oblige le plus souvent le bénéficiaire au versement d’une soulte aux autres successibles qui n’en ont pas bénéficié, notamment lorsque le patrimoine du défunt était essentiellement composé d’actifs professionnels ou qu’un allotissement des biens ne peut se faire sur une base égalitaire en raison de leur caractère non partageable.

II) Les risques juridiques de la transmission impréparée d’une entreprise individuelle

A priori, la transmission d’une entreprise détenue sous une forme sociétaire est moins problématique que celle d’une entreprise individuelle dès lors que la disparition du dirigeant-fondateur n’entraine pas, dans bien des cas, la dissolution de la société qui dispose d’une personnalité juridique distincte. Dans les sociétés commerciales des pays membres de l’OHADA, certains motifs juridiques (A) voire factuels (B) peuvent bien être à l’origine de la dissolution de l’entreprise suite au décès de son dirigeant-associé.

1) Les situations juridiques pouvant entrainer la dissolution de la société

Suivant les types de sociétés commerciales prévues par les dispositions de l’AUDSC-GIE de l’OHADA, le décès d’un associé peut entrainer sauf dispositions légales ou statutaires contraires la dissolution de la société. C’est le cas notamment de la :

Société en Nom Collectif (SNC) qui aux termes de l’article 290 de l’AUDSC-GIE prend fin par le décès d’un associé, à moins que les statuts ne prévoient la continuation entre les associés survivants ou entre ces derniers et les successeurs de l’associé qui auront été préalablement agréés. Toutefois à défaut d’agrément, les associés survivants devront racheter leurs parts sociales. Pour éviter cette dissolution à défaut de stipulations statutaires contraires, la SNC peut faire l’objet d’une transformation, soit en Société en Commandite Simple (SCS), en SARL, en SA ou en S.A.S si les conditions exigées pour la constitution de ces sociétés sont remplies.
Société en Commandite Simple (SCS), dans ce type de société, l’article 308 de l’AUDSC-GIE prévoit deux hypothèses : celle ou l’associé faisait partie du groupe des associés commandités. Dans ce cas la société survie malgré le décès d’un de ces associés. Si parmi ses héritiers certains sont mineurs, ils devront intégrer la catégorie des commanditaires. La deuxième hypothèse concerne la situation dans laquelle le de cujus était l’unique associé commandité et dans le cas particulier de la présence d’héritiers mineurs. Dans ce cas de figure, l’alinéa 2 de l’art. 308 prévoit, soit le remplacement de l’associé décédé, soit la transformation de la société dans un délai d’un an à compter du décès.
SARL, SA, SAS : pour ces types de sociétés, les dispositions de l’AUDSC-GIE ont apporté des solutions plus pragmatiques par rapport au droit français. En effet, depuis la consécration des sociétés unipersonnelles sous la forme de SURL, de SAU ou de SASU, la présence d’un associé unique consécutive au décès d’un associé ou à la cession de droits sociaux, n’est plus un motif de dissolution. La réunion de tous les droits sociaux entre les mains d’un seul associé vaut transformation en SURL, S.A.U ou S.A.S.U. De même dès lors qu’aucun minima ou maxima n’est prévu en fonction des formes sociales, le nombre d’associés issus des héritiers qui pourraient agrandir le tour de table n’appelle juridiquement aucun changement dans la forme sociale de l’entreprise.

2) Les situations de fait pouvant entrainer la dissolution de la société

Comme nous venons de le voir, l’imprévoyance du dirigeant associé peut non seulement compromettre les chances de survie de la société après son décès, mais même dans l’hypothèse où ce cap aurait été franchi avec succès, une discorde entre héritiers, comme c’est souvent le cas dans les familles surtout polygamiques, pourrait-être transposée au sein des instances de décisions sociales telles que l’assemblée générale ou le conseil d’administration et empêchant du coup leur bon fonctionnement. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 200-5 de l’AUDSC-GIE « la dissolution anticipée de la société peut être prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment…en cas de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société ». Cependant pour que le juge prononce la dissolution sur cette base, encore faudrait-il que la mésintelligence entre associés soit effective, insurmontable et non pas potentielle. C’est le cas, certes rare, ou deux blocs d’associés disposant chacun de la moitié du capital social s’empêchent mutuellement de « tourner en rond ». Sous ce rapport, la jurisprudence a fini de tracer les contours de cette cause de dissolution pour permettre au juge de mesurer l’ampleur de la discorde et de prendre la décision appropriée. Les exemples ci-dessous témoignent des cas de paralysies pouvant entrainer la dissolution de la société :

L’impossibilité de dégager une majorité en assemblée générale en particulier du fait de la politique « de la chaise vide » d’une partie des associés,
Le blocage entre le conseil d’administration et le gérant ;
La mésentente rendant impossible la confection des documents comptables tels que la reddition des comptes et l’édition d’un bilan et le compte de résultat

Conclusions & recommandations

A la différence de la transmission d’entreprise à titre onéreux qui a bénéficié de l’apport des textes modernes de l’OHADA, la transmission d’entreprise à titre gratuit semble souffrir de l’obsolescence des textes qui l’encadrent, lesquels sont issus en grande partie du code civil français. Or depuis quelques années, le droit patrimonial de la famille en France s’est inscrit dans une dynamique générale de contractualisation qui a repoussé autant que possible les limites de l’ordre public pour tenir compte de la spécificité de certains actifs dont la transmission s’accommode mal d’une application stricte de certains principes tels que la protection absolue de la réserve héréditaire et l’interdiction des pactes sur successions futures38. En effet, autant il est important de préserver les intérêts fondamentaux des héritiers réservataires et d’annihiler les risques d’atteintes possibles à la vie d’une personne dont la succession n’est pas encore ouverte (le votum mortis), autant il est nécessaire de préserver les intérêts catégoriels que porte l’entreprise (intérêts des salariés, de l’entreprise elle-même, de l’Etat, des clients et fournisseurs, de l’économie locale, régionale ou nationale) en anticipant avant le décès de l’entrepreneur une transmission optimisée et apaisée. Conscient de ces enjeux, le législateur français, qui du reste pourrait inspirer son homologue sénégalais, a consacré à travers la réforme des libéralités et des successions entrée en vigueur le 1er janvier 2007, certaines techniques qui n’étaient certes pas réservées exclusivement à la transmission d’entreprise, mais qui lui ont été d’un apport considérable. C’est le cas notamment de la donation-partage, de la Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction (RAAR) et du mandat à effet posthume. La donation-partage est une opération à double effets qui permet à la fois de procéder à un transfert immédiat de propriété entre vifs et d’anticiper sur le partage successoral. Son intérêt principal réside dans le fait que la détermination de la valeur du bien se fait, en principe, au jour du transfert de propriété et non pas selon sa valeur au jour de l’ouverture de la succession39, laquelle peut s’apprécier et ouvrir droit à un rapport successoral après le décès du donateur. Dès lors, aucune appréciation de la valeur du bien au jour de l’ouverture de la succession ne peut faire l’objet d’un rapport successoral ou d’une réduction. Une telle technique sécurise la transmission de l’entreprise en ce sens qu’elle met à l’abri l’attributaire contre les risques d’une remise en cause de l’opération après le décès de l’entrepreneur, mais elle rassure également les partenaires de l’entreprise40. Pour sécuriser d’avantage la transmission, le législateur français a également assoupli quelque peu le principe de l’interdiction des pactes sur succession future en consacrant la technique de la Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction (RAAR). Cette dernière qui est mise en oeuvre dans le cadre d’un pacte familial réglant la répartition des biens entre héritiers trouve son fondement dans l’article 929 du code civil qui dispose que « Tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte.

Cette renonciation doit être faite au profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. La renonciation n’engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter ». Il faut toutefois préciser que cette renonciation n’emporte pas renonciation à la succession, elle exclue simplement toute action en réduction après le décès du donateur. De même pour préserver dans une certaine mesure le principe de l’interdiction des pactes sur succession future, le législateur a conditionné la validité d’un tel accord à l’acceptation du disposant. Il faut tout de même préciser que l’étendue de la renonciation peut-être variable. Dans les anciennes colonies de la France, les principes traditionnels issus du droit civil français sont encore en vigueur et empêchent plus ou moins d’optimiser civilement la transmission de l’entreprise. C’est le cas de certains pays dans lesquels les codes de la famille disposent que « sont interdites toutes stipulations ayant pour objet d’attribuer un droit privatif ou de renoncer à un droit sur la succession non ouverte d’un tiers »41. Les pactes sur la succession future d’un tiers sont donc strictement interdits dans ces pays, ce qui a pour effet de rendre impossible toute entente familiale quant au sort à réserver à l’entreprise après le décès de son fondateur.

Le mandat à effet posthume (consacré dans la loi 2006-728 du 23 juin 2006) a également été une autre innovation qui pourrait aussi inspirer le législateur Sénégalais. Ce type de mandat permet à toute personne de désigner un ou plusieurs mandataires en vue d’administrer ou de gérer après son décès tout ou partie du patrimoine successoral dans l’intérêt et pour le compte d’un ou plusieurs héritiers. A la différence du mandat classique qui devient caduc au décès de l’une des parties, le mandat à effet posthume ne produit ses effets qu’au décès du mandant et s’impose aux héritiers qui n’y ont pas pris part, à charge pour eux de le contester s’ils estiment que sa mise en place n’est pas justifiée par un intérêt sérieux et légitime.

En matière de transmission d’entreprise, le principal intérêt du mandat à effet posthume est d’assurer la survie de l’entreprise durant l’étape transitoire qui suit l’ouverture de la succession.

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[1] Alain Griset, Président de l’assemblée permanente des chambres de métiers de France.

[2] Ces mêmes dispositions sont également prévues par les codes de la famille du Burkina Faso, du Bénin, du Togo…

[3] Cour d’appel de Bastia, 2 Juin 2010, n°09/00521, arrêt Campana – Verrerie de Feliceto

[4] cf. Cour d’appel de Limoges, 3 Mai 2007, n°05/01387

Par Ibrahima DIALLO
Ingénieur Patrimonial
Directeur – associé CGP AFRIQUE

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